Un peu d'histoire: Le renaut FT

Un peu d'histoire est de retour !

Découvrez le pionner des chars.

Renault FT : Tout y est !



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Ceux qui suivent ce Topic connaissent le Général Estienne, considéré comme "le père des chars" il est l'instigateur de la mise en service des fameux "Cuirassés terrestres" dont le Schneider sera le premier à connaître le baptême du feu en avril 1917 du côté de Berry au Bac.

Semi-échec, l'offensive ne convainc pas grand'monde à l'Etat-major.

Il faut reconnaître que ces chars sont lents, mal protégés et quais-inaptes à l'évolution en terrains bouleversés. :bah:

Pourtant ces Schneider ne sont, pour l'instant, que la partie émergée de l'iceberg car Estienne a depuis 1915 un projet en tête : "Le fantassin blindé" ! :sol:

Comme tout le monde à l'époque, il constate que la guerre de tranchées s'éternise et que toutes les offensives en vue de remettre les troupes en mouvement sont mises en échec par le fil de fer barbelé et la mitrailleuse...

S'il soutient le concept du char "lourd" qu'il considère comme un "casseur de canons" il est convaincu qu'il y a une place pour un engin de taille beaucoup plus modeste, qui pourrait partir à l'assaut avec l'infanterie, écraser les barbelés et prendre les tranchées ennemies en enfilade avec une simple mitrailleuse de bord ou un canon de petit calibre.

Il n'est pas le seul à penser à cette éventualité, un certain Louis Renault a déjà décliné les appels d'offres précédents car ce mécanicien dans l'âme a vite compris que les chars souhaités par l'armée ne seront que des tas de ferraille sous-motorisés compte-tenu du cahier des charges et des possibilités offertes par la technologie de l'époque. :o

D'ailleurs les Saint-Chamond, voulus par la Direction du Service Automobile qui ne supportait pas les injonctions d'Estienne considéré comme un "amateur", et qui seront mis en service peu de temps après les Schneider seront sur le terrain... Encore plus mauvais ! :pfff:

En août 1916 les deux hommes se rencontrent dans les couloirs du Ministère de la Guerre et, d'emblée, l'entente est immédiate.

C'en est au point que Louis Renault va carrément décider de construire ce char, et ce sans le moindre appel d'offre, directement sur ses propres deniers ! :beuh:

Il met ses ingénieurs sur le coup. Le cahier des charges ?

-4 tonnes
-Chenille prenante pour "mordre sur le terrain"
-Une mitrailleuse de 8mm
-Moteur d'environ 20cv à l'arrière séparé de l'équipage
-Blindage à l'épreuve de la balle "S" Allemande
-Vitesse d'environ 12km/h, soit la vitesse alors réglementaire d'un convoi en marche.

Une maquette en bois est présentée en octobre 1916, les ingénieurs se sont cassés les dents sur plusieurs problèmes et n'ont pu faire autrement que de monter l'arme en casemate, chose qui ne satisfait d'ailleurs personne.

Estienne et Renault ne sont guère convaincus et il est décidé de reprendre le concept à zéro avant une présentation aux officiels le 30 décembre 1916.
Cette fois-ci l'essentiel s'y trouve, en particulier le montage de la mitrailleuse sur une tourelle rotative sur 360° (un concept emprunté à la marine qui l'utilise déjà depuis un moment sur ses navires).

Mais le "Service des Automobiles" est franchement hostile au projet :

-Ils n'a pas été consulté
-Estienne est l'instigateur du projet
-Le centre de gravité est trop en arrière
-Il est décrété une bonne fois pour toute qu'un homme ne peut servir seul une mitrailleuse

Mais surtout, SURTOUT, ces technocrates avant l'heure ont des projets concurrents avec Peugeot et Delaunay-Belleville, et ils ne se gênent pas pour intimer l'ordre à Estienne de ne plus interférer dans ce qu'ils considèrent comme leur pré carré.

Durant tout le premier trimestre 1917 on "pousse les feux" dans les ministères afin de présenter un concurrent à ce maudit Renault FT (dont le nom n'a rien à voir avec "Franchisseur de Tranchées", c'est tout simplement un code de sortie interne à l'usine).

Exit le Delaunay-Belleville qui ne sera jamais au point, par contre le Peugeot est intéressant :

-Moteur de 100cv pétroléo-électrique (le groupe entraîne une génératrice qui fait avancer le char)
-Blindage conséquent (mais le poids est de 8 tonnes)

Par contre il est très lourd sur le terrain, son moteur à l'avant ne recueille pas tous les suffrages et surtout il ne dispose pas d'une tourelle mais d'une simple "protubérance" qui peut accueillir un canon de 75mm.

Arrive la date fatidique du 4 mai 1917 où l'on convoque les deux chars pour un essai grandeur nature sur le terrain, avec pour pilotes et observateurs des soldats de l'Artillerie Spéciale survivants de la bataille de Berry au Bac survenue trois semaines auparavant.

Le résultat est sans appel : Les équipages ne jurent que par le FT ! :D
A l'Etat-Major personne n'ose contredire des héros dont beaucoup ne sont pas revenus du récent combat et le "Service des Automobiles" n'aura pour d'autres consignes que de se taire et d'accepter le verdict.

La précommande de 1000 exemplaires survenue en mars est désormais confirmée, on va même la monter à 1150 engins qui vont se répartir ainsi :

-650 chars équipés du canon de 37mm Puteaux SA18 emportant 225 obus
-500 chars dotés de la mitrailleuse Hotchkiss de 8mm approvisionnée à 4800 coups



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Que nous réserve t-il donc cet engin ? :)

Il mesure 4,10m de long (5m avec sa queue de franchissement), 1,74m de large et 2,14m de haut.



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Son moteur, à l'arrière, est un 4 cylindres en ligne Renault de 4,5 litres refroidi par eau développant 35cv, la boite de vitesse est mécanique à 4 rapports avant et une marche arrière.

Il permet au FT d'atteindre la "vitesse" de 8km/h (loin des 12 initialement prévu, mais le char pèse 6,5 tonnes en version mitrailleuse et 6,7 tonnes avec le canon alors que le cahier des charges établissait un poids de 4 tonnes).


Malgré ses presque 7 tonnes il reste facile à transporter, même à l'époque.
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Le porte-char est déjà un Renault, 80 ans avant le TRM 700-100 ! :p
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Son autonomie ne dépasse pas les 40km malgré un réservoir de 95 litres.

Son blindage est en acier laminé riveté, il est d'une épaisseur qui varie entre 6mm (le plancher), 8mm (les superstructures) et 16mm (les flancs, l'arc avant et la tourelle).



Moteur et barbotins à l'arrière, tourelle pivotante, chenilles prenantes et blindage intégral : Le char moderne est né.
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Il peut franchir des pentes de 10%, un obstacle vertical de 0,60m, une tranchée ouverte de 1,35m et une coupure humide de 0,70m.



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L'équipage est de deux hommes : Un pilote et un "chef de char-chargeur-tireur"...


Le béret porté "en cloche" est typique des membres de l'Artillerie Spéciale (les chars quoi...), où se retrouvaient toutes les fortes têtes et autres contestataires que l'on ne voulait plus ailleurs.
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Ce dernier est debout dans sa tourelle ou, parfois, assis sur une simple sangle de cuir.
Ne disposant pas d'interphone le chef communique ses ordres au pilote et lui tapant sur les épaules (gauche ou droite suivant la direction voulue... :ddr: ), une grande baffe sur la tête suffit pour lui intimer l'ordre de s'arrêter ! :lol:



Le poste de conduite, plutôt spartiate.
Au début Louis Renault ne voulait même pas y poser un siège, mais un essai qu'il réalise personnellement en décembre 1916 le convainc qu'il est indispensable d'en mettre un. :D
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La mise au point est laborieuse et il n'est désormais plus envisageable de disposer de la totalité de la commande en unités avant la fin de 1917 voire même le début de 1918, et ce d'autant que le carnet de commande s'allonge démesurément au point d'atteindre plus de 2000 exemplaires à l'été !

On décide alors de répartir les fabrications chez plusieurs constructeurs :

-Renault s’octroie la majorité des fabrications
-Schneider, dont le char n'est pas convaincant, s'engage pour au moins 600 engins via sa filiale SOMUA
-Berliet s'organise pour en sortir "un maximum au plus vite"
-Delaunay-Belleville, qui dit définitivement adieu à son projet, s'engage aussi à produire des FT

Mais pour l'instant les choses vont mal...

-Les plaques d'acier à blindage sont commandées en Grande-Bretagne (les aciéries Françaises n'arrivent pas à suivre le rythme) mais elles arrivent au compte-gouttes et Fichet (oui, le spécialiste des coffre-forts ! :oui: ) a toutes les peines du monde pour souder les premières carcasses.

-La tourelle en acier coulée n'est pas au point, c'est Berliet qui sort tout le monde de l'ornière en proposant une tourelle octogonale en acier riveté qui équipera les premiers modèles avant l'apparition des tourelles coulées "Girod" au printemps 1918.


Le FT du WTS de Koblenz, à tourelle Berliet.
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L'exemplaire du musée de Saumur à tourelle Girod.
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-Les courroies d'entrainement du moteur, en cuir, ne tiennent pas le coup (et d'ailleurs il faudra "faire avec" jusqu'en novembre 1918)

-La suspension est presque inexistante, et elle le restera d'ailleurs... Mais on va perdre un temps fou à essayer d'améliorer les choses.

Fin novembre 1917 seuls 30 engins en acier doux sont sortis d'usine et servent à l'instruction des équipages...


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Le 30 mars 1918 si 450 engins "bons de guerre" sont fabriqués il n'y en a... Qu'un seul disponible en unité !

Il faut dire que les pilotes formés sont assez dubitatifs devant un char certes manœuvrable et infiniment plus apte au tout-terrain que ses prédécesseurs mais au comportement instable (il manque de largeur et se renverse facilement) et surtout ils doivent faire preuve de la plus grande maîtrise pour négocier les accidents de terrain, le risque de se blesser est grand pour l'équipage si le char bascule trop vite dans une ornière par exemple.


L'instabilité du FT était très connue.
Cet exemplaire cantonné en Afrique du nord après-guerre n'a pas eu de chance...
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Son vrai baptême du feu intervient le 31 mai 1918 lors de la dernière grande offensive Allemande.

30 engins sont envoyés en urgence à Berzy au Sec (pas très loin de Soissons) pour tenter d'arrêter des Allemands qui ont ouverts une grande brèche sur le front.

Les FT, dont les mauvaises langues disent "que leur état normal est d'être en panne mais qu'ils consentent, parfois, à fonctionner quelques instants" se retrouvent à 21 avant même de s'élancer.

Il ne leur faudra pas compter sur un soutien d'infanterie, les Biffins étant soit morts soit complètement épuisés.

Bref on les jette seuls dans la bataille à corps perdu et... Le succès est total ! :sol:

Les Teutons sont bousculés, éliminés les uns après les autres par les crépitement des mitrailleuses et les tirs d'obus de 37mm, c'est chez eux une parfaite déroute !


Le FT jeté en première ligne sera une excellente surprise pour les alliés, le début de la fin pour ceux d'en face...
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Le concept de char léger est le bon, seuls 6 FT restent sur le terrain, compte-tenu du succès engrangé c'est une perte presque négligeable.


Le "Nain jaune".
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"Bille de Clown". Qu'est-ce qu'on rigole... :sic:
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L'arrière s'organise et Renault est enfin capable de sortir de ses usines 200 chars par mois, c'est bien simple tout le monde en veut désormais...

Les commandes en août 1918 se montent à plus de 4700 engins, et de nombreuses nations sont intéressées, à commencer par les USA qui en ignoraient le concept six mois plus tôt.

Leurs industriels signent avec nous pour une licence de production concernant 950 chars qui seront renommés là-bas "Six tons M 1917 Tank" mais aucun ne franchira l'Atlantique, les 216 FT mis en ligne par les Américains en Argonne seront fourni par la France.


Photo très connue des troupes US en Argonne le 26 septembre 1918.
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L'Italie par une licence avec FIAT en veut 1500 mais ils seront notablement modifiés et prendront l'appellation de FIAT 3000, au demeurant aucun ne sera fabriqué avant 1920, et ce dans un nombre notablement inférieur.

Au moment de l'armistice 3177 chars ont été livrés.


"Le Tigre" dans une rue de Strasbourg,à nouveau Française.
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Ce qui choque avec ses vieilles photos c'est la taille modeste des hommes qui ont participé au premier conflit mondial.
Pas un ici qui ne dépasse les 1,60m.
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On sait que Berliet en fabriqua approximativement 800, Somua 600 et Delaunay-Belleville 280, le reste étant donc à la charge de Renault.


Les usines Berliet de Vénissieux en 1918.
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Les pertes furent de 440 engins (356 par canons, 13 par mines, 1 par fusil antichar et 70 de manière indéterminée).

La production continuera encore quelques temps puisque 3728 engins étaient à l'inventaire de l'armée Française en 1921.


Défilé de la victoire le 14 juillet 1919.
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Après guerre le FT connaîtra un succès énorme à l'exportation, des nations comme la Pologne, la Suisse, l'Iran, la Belgique, la Roumanie, la Finlande, l'Espagne, la Chine, le Brésil, le Japon et bien d'autres encore feront leurs "premiers pas blindés" en FT.


Un FT aux couleurs Polonaises.
Toujours en première ligne en septembre 1939, pas besoin d'un dessin... :(
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Finlande.
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Même l'Afghanistan en percevra quelques exemplaires durant les années 20.


Grosse surprise en 2006 dans un parc à ferrailles Afghan.
Cette épave de FT, parfaitement conservée et quasi-complète, sera récupérée par les GI's et restaurée aux USA.
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Les FT seront d'ailleurs de presque tous les conflits qui ensanglanteront le monde durant l'entre-deux guerres.

On connaîtra deux versions supplémentaires du blindé :

-Une version "TSF" équipée d'une casemate fixe et d'un poste de radio ER10 capable d'émettre en morse ou en phonie, équipage de trois hommes. 300 exemplaires commandés en novembre 1918 mais seulement 188 effectivement livrés.


Le char TSF, sans tourelle.
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-Une version "BS" équipée d'un canon court de 75mm sous casemate. 600 commandés mais 39 en service en 1921.
Ce tube était connu pour sa faible vitesse initiale, pas plus de 200m/s pour le projectile en sortie de bouche, on pouvait donc suivre sa course à l’œil nu.


Le char BS avec son tube court de 75mm.
En fin de compte l'ancêtre du Sturmgeschütz III de la dernière guerre !
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De multiples tentatives de modernisations/modifications seront réalisées au fil du temps, avec des chars porte-pont, fumigènes, avec lame de déblaiement, DCA etc etc... Aucune ne dépassera le stade du "bricolage amélioré".



Un char "phare", sans doute pour les combats par nuit sans lune ou jour de brouillard... :roll:
Plus sérieusement il semble avoir été conçu en vue d'une utilisation avec les forces aériennes.
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Une tentative plus sérieuse de modernisation du FT interviendra avec les établissements Kegresse qui tenteront de doter le char de chenilles en caoutchouc qui lui aurait permis d'améliorer sa vitesse de pointe, hélas les exemplaires envoyés en essai eu Maroc verront leurs chenilles se désintégrer littéralement sur les pierres du désert, et l'affaire en restera la... :bah:

La seule modification notable sera l'installation de la mitrailleuse Reibel de 7,5mm à partir de 1931 (les 1580 chars modifiés y prendront d'ailleurs l'appellation de FT31)


Le FT31 avec mitrailleuse Reibel.
Quelle joie, quel entrain chez son équipage... :ddr:
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Lors de la mobilisation générale de 1939 le char FT est encore présent dans l'inventaire de l'armée Française à près de 1800 exemplaires !


Mais aussi dans l'armée Belge !
Il n'y fera pas plus d'étincelles...
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Totalement dépassés ils ne sont plus la que "pour faire nombre", et d'ailleurs beaucoup n'ont même plus leur canon de 37mm démonté en catastrophe pour équiper les chars plus modernes qui sortent d'usine sans armement ! :pfff:

Jetés dans la mêlée des événements dramatiques de mai/juin 1940 ils ne feront même pas de la figuration, taillés en pièces par les PAK des troupes Nazies, leurs équipages se sacrifiant pour rien... :(


Fin de parcours pour ce FT qui n'avait plus rien à faire dans les effectifs de 1940.
Sa tourelle octogonale Berliet en fait l'un des premiers engins produit...
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Les engins survivants, encore assez nombreux, seront utilisés par l'occupant comme véhicules de maintient de l'ordre ou de patrouille sur les aérodromes.


On pense que les Allemands firent main-basse sur au moins 1300 FT...
Je vous rassure, tous ne furent pas réutilisés.
On note ici le camouflage avec liseré noir entre les différentes couleurs.
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Des FT se battaient encore lors de la libération de Paris et de l'offensive d'Arnhem (opération Market Garden) en août et septembre 1944 dans les rangs Allemands.

Ils n'iront pas plus loin mais quelques uns tournaient encore comme engins de travaux publics ou machines agricoles au début des années 50, et ce la où ils furent trouvés. :o

Sacrées bestioles que les Renault de l'époque ! :bien:


Fondation Berliet.
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 Merci à Jensen.

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