Un peu d'histoire: Le jagdtiger

JAGDTIGER : Clap de fin...

















Mai 1942, bientôt 1 an que les Nazis ont envahis l'URSS...

Si les premiers combats des Panzers contre les BT7 Russes se soldèrent par de faciles succès, les Allemands durent vite déchanter lorsqu'ils se frottèrent aux T34 ou aux KV1...

C'est donc à cette époque qu'Hitler en personne lance le projet d'un canon automoteur lourd apte à exercer le rôle de chasseurs de chars à longue distance (3 voire 4km) d'autant que les conditions de combats dans les grandes plaines de l'Est s'y prêtent trés bien.

Faute de chassis suffisamment robuste pour accueillir une pièce de gros calibre l'Etat-major laisse l'idée de côté jusqu'en février 1943, date où le Tigre II commence à devenir réalité, sans parler du front qui réclame à corps et à cris un blindé lourd capable de casser du char ou du Blockhaus à plus de 3000m.


Les Allemands vont tenter de mettre sur l'engin 3 canons :

-Un 155mm GBT Français de prise

-Un 152mm M37 Russe lui aussi disponible en quantité

-Un 128mm Allemand d'origine anti-aérien et modifié (tout comme le fameux Flak 88mm d'ailleurs)

Les 2 premières pièces sont de bons canons pour le tir d'artillerie, mais le combat antichar nécessitant un tir tendu avec un obus perforant à haute vitesse initiale n'est pas leur fort...
Ce sera donc le 128mm qui sera choisi.

Ce canon sera nommé 12,8cm Pak44 L/55, il tire un obus perforant capable de détruire un T34 à 4500 métres !

Il est monté dans une casemate fixe dotée d'une cuirasse frontale de 250mm...

Une maquette de validation en bois est présentée à Hitler et son Etat-Major en octobre 43, tous sont enthousiasmés par cet engin et exigent une mise en production pour février 1944 "au plus tard"...





2 constructeurs sont mis en concurrence :

-Porsche, jamais bien loin lorsqu'il s'agit de faire du matériel avant-gardiste...

-Henschel, déjà concepteur des Tigre 1 et 2.

Pour une fois Porsche va être en tête avec un projet d'engin disposant d'un train de roulement équipé d'une suspension à barres de torsion longitudinales.



Jagdtiger "Porsche" capturé par les britanniques.
C'est sans doute celui exposé de nos jours à Bovington.



Bovington (GB)...



Le concept est simple, léger (on gagne plus de 3 tonnes !) et confortable pour l'équipage qui dispose de plus de place en casemate.
Le prototype est montré au Führer le 20 avril 44 (jour de son anniversaire) et une première commande pour 150 chars tombe immédiatement.
Hélas les essais montreront qu'entre la planche à dessin et la réalité il y a un monde...
Cette suspension, fragile et inapte à tenir la chenille en place à vitesse élevée, ne sera jamais au point.





Les engins doivent être livrables "au plus vite" mais les bombardements alliés sur les infrastructures Allemandes et le manque de plus en plus criant de matières premières feront que seuls 3 Jagdtiger seront produits en juillet 44...
11 chars "Porsche" seront construits avant qu'Henschel et son concept "classique" de barres de torsion transversales et galets de roulement entrelacés ne rafle la mise.

Jagdtiger "Henschel" capturé cette fois-ci par les Américains (celui exposé à Aberdeen ? )



Le Jagdtiger est un char impressionnant, propulsé (si l'on peut dire... ) par l'éternel V12 Maybach HL230 P30 de 23 litres de cylindrée (qui a fait les beaux jours de tous les "lourds" Allemands) développant 700cv à 3000Trs et secondé par une boite du même constructeur offrant 8 vitesses avant et 4 arrières.


Le fameux "Védouze" !



Sa vitesse est de 38km/h (trés théorique, en fait pas plus de 20km/h sur route et 15 en tout-terrain sous peine de "tout passer au travers" ) et sa capacité de franchissement est de 2,50m pour une tranchée, 35° pour une côte (à la vitesse d'un homme au pas) et 1,80m pour une coupure humide.
Vous aurez compris qu'avec un poids de 69 tonnes en version Porsche et 72 pour le Henschel le char était plutôt du genre... "Poussif" !






Constamment sollicité largement au-delà du raisonnable, le V12 doit être changé toutes les 300 heures, quand à sa consommation elle est à la hauteur : 500 litres aux 100km sur route et pas loin du double en tout-terrain...

Le blindage est bien entendu son point fort, comme je l'ai déjà dit on a une casemate blindée à 250mm en frontal (150mm pour le chassis) un masque de canon profilé de 100mm et un blindage latéral homogène de 80mm.
Il est quasi-invulnérable à tout tir dans son arc avant mais plus fragile en latéral (mais encore fallait-il l'approcher à moins de 2000m).


Détruit par un coup au but dans le compartiment-moteur, moins blindé.



En plus de son canon approvisionné à 40 obus on trouve 2 mitrailleuses MG34 pour la défense rapprochée : Une en superstructure et l'autre sur rotule à l'avant, elles sont approvisionnées à 3300 coups.
Le débattement latéral du canon est de 10° de chaque côté, évitant au pilote d'avoir sytématiquement à manoeuvrer pour corriger un tir.
Son élévation est de 15° et permet de tirer des obus explosifs en support d'artillerie jusqu'à 22km en tir indirect.





L'équipage est de 6 hommes : Pilote, radio-mitrailleur, chef de char, tireur et 2 chargeurs (munitions en 2 parties).

Arrivé beaucoup trop tard sur le champ de bataille, le Jagdtiger sera mis en ligne sur le front de l'Ouest, en particulier à Remagen en septembre et durant l'hiver 44/45 en Alsace avant de constamment reculer sur le territoire Allemand jusqu'en mai.
Il ne sera donc jamais utilisé sur le terrain où il était prédestiné et perdra beaucoup de ses capacités à combattre dans un environnement boisé, vallonné ou constellé d'agglomérations où la longue portée de son 128mm ne sera jamais vraiment utilisable à bon escient...


Version à suspension Porsche capturée, notez à côté le Tigre II à rare tourelle... Porsche !



Mécaniquement fragile, dépendant d'une logistique de plus en plus aléatoire et incapable de suivre le rythme imposé par les Anglo-Américains de nombreux Jagdtiger seront abandonnés en panne (ou à court de carburant...) sur tous les terrains que les Allemands laisseront dans leur retraite.






L'exemplaire conservé à Aberdeen (USA).
La suspension Henschel est ici bien visible.



La production continuera contre toute logique jusqu'en mai 1945 mais à trés petite cadence puisque seulement 85 engins seront fabriqués (11 Porsche et 74 Henschel).


La chaîne de montage (enfin... façon de parler ! )



Pour faire face à la pénurie de 128mm, les 4 derniers chars seront équipés du classique 88mm mais n'auront pas le temps de combattre.

Un engin trés impressionnant que personne ne souhaitait rencontrer, mais en fin de compte peu mobile, trop fragile et trés mal utilisé.

Merci à Jensen.