Un peu d'histoire: L'IS 3

Voyons ce char lourd

JS-3 : Marteau, faucille et... Enclume !









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Si vous suivez ce Topic vous n'avez sans doute pas oublié le JS-2 (aussi appelé IS-2 suivant si l'on prononce le prénom de Staline à l'occidentale ou à la Russe : Joseph/Iossif  ), un char lourd doté d'une impressionnante pièce principale de 122mm !

Conçu pour faire face au Tigre 1 le JS-2 se trouve vulnérable lorsque les Allemands mettent en ligne leur Tigre 2, c'est la raison pour laquelle le bureau d'étude de Tchéliabinsk se remet à l'ouvrage pour permettre à l'Armée Rouge de rester dans la course avec un engin encore optimisé : Le JS-3.

Le principal objectif des ingénieurs Soviétiques est d'améliorer la protection du char, d'où un blindage considérablement modifié, en particulier à l'avant qui est l'endroit statistiquement le plus touché par les coups ennemis.




L'arc avant était considéré comme invulnérable en 1944. Il le restera encore une dizaine d'années !
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Le glacis fait l'objet de soins particuliers : 2 plaques en acier de 120mm d'épaisseur sont soudées entre-elles afin de former un "V" inversé et par là favoriser les ricochets.
Il donne au JS-3 une forme très caractéristique et vite surnommée "nez de brochet".


Un seul problème mais de taille : Si un obus frappe les plaques de blindage au niveau des cordons de soudure (d'une qualité "variable"...) le char pouvait s'ouvrir comme une noix de Grenoble ! :o
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Le mantelet du canon, lui aussi un endroit très souvent frappé, fait 200mm d'épaisseur ! 

Et puisque nous en sommes la il faut noter la présence d'une toute nouvelle tourelle en forme de "poêle à frire inversée", facilitant elle aussi le ricochet des projectiles ennemis.
Cette forme en acier coulé sera adoptée sur tous les chars de l'URSS conçus après-guerre.

Le blindage du reste de l'engin se monte à 90mm pour les côtés de la caisse, 60mm pour l'arrière, 150mm pour la tourelle en dehors du mantelet et 25mm pour les superstructures horizontales.



L'arrière du JS-3, moins protégé que le reste.
C'est le cas pour tous les blindés dont la fonction première est de faire face, il est utile ici de le rappeler.
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Il mesure 6,77m de long (9,75m avec la canon), 2,44m de haut et 3,07m de large.

Le prototype est achevé en octobre 1944, les essais sont vite menés (l'engin étant un dérivé d'un char existant).


On note la présence de la chaise de route à l'arrière.
Dans le cas de déplacements en dehors des zones de combat le char progressait "tourelle à 6 heures".
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La production débute vraisemblablement vers janvier 1945.

L'équipage est classique avec 4 hommes : Pilote, tireur, chargeur et chef d'engin.

L'ergonomie y est très perfectible et le JS-3 ne déroge pas à la règle des engins Soviétiques en étant le parfait exemple du "char à courbatures"...

Il est toujours propulsé par l'increvable et incontournable V12 Diesel V-2-IS déjà vu sur le T-34.

Il développe "officiellement" 600cv à 2000Trs dans cette configuration, mais tout le monde s'accorde à ne lui donner qu'une puissance réelle d'environ 520cv.

S'il est à l'aise dans un T-34 ce moulin est franchement à la peine pour déplacer les 45,8 tonnes du JS-3 !

Côté performances il ne faut pas s'attendre à plus de 35km/h sur route (mais difficiles à atteindre et quasi-impossible à maintenir longtemps...) et moins de 20km/h en tout-terrain, des "chronos" tout à fait dans la norme pour un engin dont le rapport poids-puissance est à peine de 12cv/tonne.


Comme beaucoup de ses contemporains, le JS-3 était un veau...
On voit très bien ici les réservoirs supplémentaires sur la plage arrière.
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Nous sommes donc devant un monstre aussi lourdingue qu'un Tigre Allemand et encore moins manoeuvrable, au point que les équipages vont le surnommer... L'enclume !

Si sa suspension à barres de torsion efficace et ses chenilles larges lui permettent de se mouvoir plus facilement sur sol meuble que ses concurrents (sa pression au sol n'est que de 0,82kg/cm2) il ne faut certainement pas compter sur sa "vélocité" pour dominer la manoeuvre sur le champ de bataille !

Bon an mal an il grimpe des pentes de 36°, franchit des tranchées de 2,50m de large, un obstacle vertical de 1m et une coupure humide jusqu'à 1,30m de profondeur (pas de capacité amphibie ni NBC).

Ses réservoirs internes de 520 litres plus 360 litres dans des bidons externes largables lui autorisent une autonomie convenable de près de 250km sur route.

L'armement diffère peu du JS-2, avec un canon dérivé d'une pièce d'artillerie, assisté d'une mitrailleuse coaxiale DT de 7,62mm approvisionnée à 1000 coups et d'une 12,7mm DShk en superstructure montée sur rail approvisionnée à 950 projectiles.

Son armement principal se compose donc d'une pièce impressionnante de 122mm D-25T mais approvisionnée à 28 coups seulement...
Si elle est puissante sa portée reste très limitée du fait d'organes de visée pour le moins rudimentaires, rendant impossible toute chance de coup au but au-delà de 1200m.
Les munitions étant en 2 fardeaux le chargeur ne pouvait soutenir qu'une cadence de tir de 2 ou 3 coups/minute au maximum.

Et c'est en fin de compte ici qu'un paradoxe se forme, car si ce char est théoriquement censé se battre à des distances de combat importantes (canon de gros calibre, mauvaises performances mécaniques), le fait que ses obus soient à faible vitesse initiale (780m/s environ) et ses optiques de tir médiocres l'oblige à s'approcher des Panzers à moins de 900m pour avoir une chance de les mettre hors de combat.
De même les Panther et autres Tigre devaient eux-aussi s'approcher pour avoir une chance de percer la cuirasse frontale du JS-3...



Impressionnant mais pas exempt de défauts le JS-3.
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On se retrouve donc dans des compartiments de combat pour le moins mesurés, et le char Soviétique sera surtout considéré comme efficace dans le cas de tirs d'embuscade où ses performances limitées passaient au second plan et en zone urbaine, là où sa pièce de 122mm devient souveraine contre des fantassins retranchés dans des immeubles par exemple.

Il n'aura de toute façon pas le temps de faire ses preuves durant le second conflit mondial.

Mis en ligne dans un seul régiment en avril 1945 il ne rencontre pas les chars Allemands qu'il devait combattre...

L'engagement d'exemplaires en plus grand nombre contre les Japonais en Mandchourie en août de la même année ne sera pas non plus très probant, les Nippons n'ayant jamais été convenablement équipés en chars lourds de toute façon.





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Après-guerre la production continuera à petite cadence jusqu'en 1951, on pense qu'environ 1800 JS-3 ont été produits.


Un grand nombre sera modifié en JS-3M vers 1955, avec une amélioration des capacités de rangement à bord, un système de visée infra-rouge TVN-2, un train de roulement amélioré et un système de filtration de l'air plus efficace pour le moteur.



JS-3M, aussi reconnaissable grâce à ses jupes pare-poussières latérales.
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Ces chars n'équiperont que l'armée Soviétique, la Corée du Nord (nombre inconnu mais peu élevé) et l'Egypte (100 JS-3M).
Deux exemplaires seront prêtés à la Pologne et un à la Tchécoslovaquie pour évaluation, mais aucun contrat ne sera signé.

En opération on verra des JS-3 lors du soulèvement de Budapest en 1956 et à Prague en 1968, des villes où leur taille imposante aura un impact psychologique certain.



La tourelle était équipée de nombreuses poignées de maintient, une tradition de l'Armée Rouge qui permet à des fantassins de se tenir sur les superstructures du char.
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Il faut attendre 1967 et la guerre des 6 jours pour voir des JS-3 au combat contre des adversaires, en l'occurrence les Israëliens.
Leurs fantassins auront du mal à immobiliser ces mastodontes avec des lance-roquettes, quand au canon de 90mm des M48 Patton il était inefficace sur l'arc frontal du JS-3 sauf coup heureux sur les cordons de soudure et les chars US étaient des proies bien faciles pour le 122mm sur courtes distances...

Pourtant les tankistes de Tsahal auront vite fait de comprendre que les JS-3 étaient des engins placides, il leur suffira de les contourner pour les attaquer par l'arrière au défaut de cuirasse avec de grandes chances de succès, de plus des impacts répétés sur la tourelle avaient pour effet de faire tomber les obus qui s'y trouvaient, générant une explosion interne.

Quelques exemplaires capturés intacts seront évalués par Israël, le verdict sera sans appel : Cet engin est parfaitement INAPTE à la guerre du désert car trop peu véloce.


Quelques JS-3 capturés en 1967 défileront dans les rangs Israëliens, remotorisés avec un moteur de T54.
Ils seront utilisés à poste fixe comme pièces d'artillerie le long de la frontière Egyptienne.
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L'Egypte laisse 73 de ces chars sur le terrain cette année-là, la vingtaine restante sera remise en ligne pour la guerre du Kippour en octobre 1973, sans y faire non plus de grandes étincelles...

La Russie en avait encore quelques uns en 1994 sur les îles Kouriles où leur fonction était de monter la garde face au Japon, le canon étant encore d'une certaine crédibilité comme pièce d'artillerie...


La fin sans gloire d'une existence en demi-teinte.






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Le tour du propriétaire, vous y aurez une idée de la signification du mot "ergonomie" chez les Russes =====> http://www.youtube.com/watch?v=-1sdL1dYgsk

 Merci a Jensen.

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